• Chapitre I : Par le pouvoir des crises familiales, je sèche les cours !

      J’veux plus jamais me réveiller ! ai-je pensé.

     

      Je ne pense pas qu’il existe un mot pour exprimer ce que l’on ressent lorsque l’on prend conscience que ses rêves sont à présent réalité. Logique, vu que personne (du moins personne connu dans l’histoire mondiale) n’a vécu cette expérience. Et en est revenu vivant par la suite pour en parler. Parce que je ne sais pas vous, mais moi, j’ai frôlé la mort plus de fois en 30 secondes dans mes rêves que pendant toute une vie dans le monde réel !

     

      Mais ce qui m’a le plus secouée (et je ne m’en remets toujours pas), ce fut que les personnages que j’imaginais dans ma tête se trouvaient juste là, devant moi.

     

    « Tu es réveillée ? fit une jeune femme.

     

    -  Euh, je… Je… » balbutiai-je, sans savoir quoi répondre.

     

     **

     

      Tout à commencé dans ma chambre. Enfin, dans ma chambre, plutôt ma bibliothèque, parce qu’il y avait des livres partout. J’adore lire, encore plus les romans à suspense et les grimoires poussiéreux.

     

      Appuyée le dos contre la porte, je feuilletais un gros livre à la couverture violette et aux écritures rouge sang. Mais comment lire un livre alors que votre mère est derrière la porte en train de hurler :

     

    « Lena !!! Lena, sors de ta chambre et viens manger ! »

     

      Moi, je n’avais pas faim. Je ne voulais pas manger. Je ne voulais pas affronter, une nouvelle fois, le repas familial quotidien du soir. Tout comme celui du midi, ainsi que tous les autres repas possibles de la journée. Quand je parlais de famille parfaite, je sous-entendais les repas familiaux quotidiens et les sorties, familiales et quotidiennes elles aussi.

     

      Marre.

     

      J’en avais marre d’être constamment entourée de mes parents. Je voulais juste finir ce bouquin, moi ! Pas perdre mon temps avec des gens qui n’ont aucune imagination ! Mais j’avais eu le malheur de naître dans une famille de bornés. Ma mère ne lâchera pas tant que je ne viendrais pas manger.

     

    « Lena, criait-elle, viens immédiatement dans la cuisine ! Tu pourras recommencer ton livre quand tu auras fini ton assiette !!! »

     

      Mais puisque je n’ai pas faim !! me disais-je dans ma tête, toujours bloquée sur mon bouquin. Je jurai en silence, songeant que la présence d’un chien serait la bienvenue… Ah ! Pouvoir lui refiler la bouffe pour se barricader en vitesse dans sa chambre, quel bonheur cela aurait été ! Mais mon père a une phobie des animaux en tous genres, qu'il n’oserait jamais avouer ! Pour toute excuse, il répète que c’est pour « préserver » la propreté des fauteuils. La propreté des fauteuils… Idiot !

     

      Toujours est-il que ma mère ne lâchait pas. Et moi non plus.

     

    « Ma puce, disait-elle depuis maintenant 10 minutes, vient manger ! J’ai fais des lasagnes !

    - Je m’en fiche ! J’ai pas faim ! Fiche-moi la paix !! »

     

      Et voilà. Mes nerfs d’acier que j’avais mis des mois à forger venaient de se briser. Maintenant, il fallait que ça sorte. Et ça sortait. Tout d’un coup.

     

    « Tu me saoule, avec tes lasagnes ! hurlais-je. J’en veux pas, tu comprends ? J’en veux pas !! J’en peux plus, de ces repas à la noix !! J’peux même pas lire tranquille ! Tu ne vois pas que j’ai besoin de liberté ? Tu ne vois pas que j’en ai marre d’être constamment attachée à vous ? »

     

      Aucune réponse. Tandis que je respirais profondément pour me calmer, j’entendis les pas de ma mère s’éloigner. Elle s’en allait ? Elle abandonnait ? Comme ça ? Sans même essayer de me faire changer d’avis ?

     

      Là, ça devenait franchement bizarre. D’habitude, ma mère trouvait toujours quelque chose à répliquer, dans ces situations ! J’ai toujours perdu, à ce jeu ! La patience de ma mère était incassable. Du moins, je le croyais. J’avais tort. Parce que juste là, à l’instant, je venais de faire pleurer ma mère. J’ouvris la porte de ma chambre, pour voir si elle était vraiment partie pleurer ou si c’était une mauvaise blague, et là, je vis mon père dans le salon, dans son fauteuil, lisant un magasine de voiture, ma mère pleurant à côté de lui. Mais cela ne me perturba pas plus que ça. Ce qui me choqua, ce fut de voir mon père ignorer totalement les larmes sur les joues de sa femme ! Lui qui la soutenait dans toutes les situations, dans toutes les catastrophes que notre petite histoire de rêve avait pu subir, lisait paisiblement son magasine, comme si ma mère n’était pas là !

     

      Je retournai dans ma chambre d’un pas lent, trop abasourdie par ce que je venais de voir. La fille unique que j’étais regretta vite de ne pas avoir de grand frère ou de grande sœur avec qui elle aurait pu partager ce moment si étrange… La seule chose à faire, dans ces moments-là, c’est s’asseoir sur son lit, allumer son MP3 et attendre. Attendre que tout s’éclaire dans votre cerveau, que vos neurones se rebranchent dans le bon sens, et que tout ce petit monde cérébral analyse ce que vous avez dit. Les phrases que vous auriez peut-être dû garder pour vous, celles que vous auriez dû dire à la place celles que vous avez dites, etc.

     

      Je fermis mes yeux. La musique m’emporta alors dans un endroit sombre et muet. Toujours dans mes pensées, je regardai autour de moi pour remarquer que je me trouvais sur une île. Avec, en face, un océan multicolore. Plus je m’approchais de cet océan, plus le son s’amplifiait et se rythmait. Puis il y eut un déclic : l’île sur laquelle je me trouvais représentait la réalité telle que je la voyais, et l’océan les rêves que je faisais. Il n’y avait qu’un pas à faire, et je quittais la réalité.

     

      Mais je ne bougeai pas d’un poil.

      Je ne pouvais pas rejoindre l’océan.

      Je connaissais ce monde par cœur. Si je faisais un pas de plus, un mur bleu transparent se formerait. « On ne peut rejoindre ses rêves que par l’esprit, mais sur un temps furtif », comme disait mon prof de français, philosophe par passion.

     

      Dépitée, je retournai au centre de l’île, m’adossa contre le palmier se trouvant là pour X raisons, ferma les yeux,  attendis un moment, puis les rouvris. J’étais de retour dans ma chambre, mes écouteurs dans les oreilles. Il était 14h06. Cela faisait deux heures que je rêvais.

     

      Il faudrait peut-être que j’aille en cours… pensais-je.

     

      J’avais déjà séché le matin, et je n’avais aucune envie d’aller en cours. Moi qui avais un dossier en béton depuis la primaire…

     

      Une journée, ce n’est pas la fin du monde… m’étais-je dis ce matin. Les profs ne vont pas me taper dessus parce que j’ai raté une simple journée d’école !

     

      Surtout que, aujourd’hui, c’était visite scolaire dans une église du 17e siècle.

     

      Soudain, ma respiration se fit de plus en plus difficile. Il fallait que je sorte, que je prenne l’air.

     

    **

     

      En bas de l’immeuble, j’ignorais totalement où aller. Mes jambes bougèrent presque d’elles-mêmes et m’emmenèrent dans un parc, pas loin de chez moi.

     

      Mon parc préféré.

     

      Vous vous doutez bien que je n’étais pas partie sans un livre ! Le même livre que j’avais à l’heure du repas.

     

      Violet avec des écritures rouge sang.

     

      Enfin ! pensais-je alors que j’ouvrai le livre là où j’en étais restée.

      C’est à ce moment-là que tout se compliqua...


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