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Chapitre 3 : Petite fille et Pains au chocolat.
Je pars en direction du cimetière en essayant de ne plus penser à ce caniche mouillé. Quelques minutes plus tard, je tombe devant une boulangerie-pâtisserie que je ne connais pas, située sur la rue d’en face du cimetière. Puis, je me rappelle qu’il y avait un local en rénovation depuis un moment, déjà. Alors c’est par ça qu’ils ont remplacé le magasin d’antiquités ? Dommage, il me plaisait bien… Et j’entre à l’intérieur pour voir cette nouvelle boutique de plus près.
- Bonjour ! tonne une voix aigue.
Je tourne la tête et me retrouve face… à une gamine qui ne doit pas avoir plus de 8 ans.
- Euh… j’hésite en tentant de masquer ma surprise. Bonjour…
- Je peux vous servir quelque chose, madame ? continue la gamine, pas plus grande qu’un mètre et 30 centimètres, aux grands yeux noisette et aux cheveux d’un blond doré digne d’une pub pour shampoing.
Madame ? J’ai l’air si vieille que ça ?
- Euh, non, je… (je m’éclaircis la voix) Je viens seulement découvrir la nouvelle boutique, j’habite pas loin.
- D’accord ! sourit-elle de toutes ses dents – il lui en manque une, d’ailleurs – et repars dans les coulisses.
Je regarde quelques minutes la déco, puis regarde la nourriture proposée. Un pain au chocolat affreusement alléchant attire mon attention et celle de mon estomac. Je n’ai, certes, pas besoin de manger, physiquement parlant, mais, question esprit, il faut que je mange, c’est plus fort que moi !
- Vous êtes sûre que vous ne voulez rien ?
Je sursaute. La gamine est de retour, me regardant sûrement depuis un moment. Je lui souris chaleureusement et lui demande deux pains au chocolat. Lorsqu’elle me les donne, je me permets de lui poser une question :
- Tes parents sont occupés ?
- Ils s’occupent de déballer les cartons, en haut. Mais vous êtes en quelle classe, madame ?
- En dernière année de collège, pourquoi ?
- Comme mon grand frère ! Il va en cours à partir de demain !
- Au collège du quartier centre ?
- Oui !
Elle a franchement l’air heureux. Qu’y a-t-il d’heureux à avoir un grand frère qui va dans mon collège ? Je me résigne à ne pas chercher à comprendre quoi que ce soit et prend mes pains au chocolat en souriant à la petite fille.
- Passe le bonjour à tes parents de ma part, je dis avec politesse.
- Soyez-en sûre, madame ! me répond-elle avec un grand sourire.
Je m’installe dans un parc pas loin pour déguster mon repas improvisé et sors mon calepin. Ledit calepin, un petit carnet à la couverture rougeâtre, abîmé, usé, aux pages jaunies, me suit depuis maintenant 13 ans. Il me reste quelques pages à utiliser, puis il rejoindra les autres sur l’étagère des Carnets de Voyage. Dans tous ces carnets, je note ce que j’apprends sur les humains années après années, les émotions que je découvre, celles que je ne ressens plus depuis un moment, les gens que je rencontre, etc.
Lundi 24 septembre 2013, XX ème siècle.
La rentrée est passée depuis trois semaines, mais Lorelay ne semble toujours pas m’apprécier. Tant mieux, parce que c’est réciproque ! Une chose ne change pas entre les siècles chez les humains et c’est bien la haine. Sa bande de pseudo amies la suivent comme des petits toutous bien dociles, ça non plus ça ne change pas. Lorelay ressemble étrangement à ce bon vieux Louis XIV… Ça ne m’étonnerait pas qu’elle soit l’une de ses descendantes !
Je me nourris très mal, dans ce siècle. Les gens font tout pour produire plus au moindre coût, ce qui rend la nourriture vraiment dégueu. Et après ils se plaignent qu’il y a beaucoup de morts ? Bah ! Quelle génération ! Il n’empêche que le pain au chocolat de la nouvelle boulangerie en face du cimetière n’est pas mauvais. Pas aussi bon que les brioches de Théo, mais quand même pas mal.
En relisant ma dernière phrase, je revois le visage de celui à qui je dois tout ça. Je soupire. Il me manque, mais il est mort ! Et lui, il est monté au ciel… Pas comme moi. Je chasse cette pensée négative de ma tête en avalant une bouchée de pain au chocolat.
- La vie nécessite parfois d’être emmenée avec nous dans notre tombe.
- GYAH !!!
Je crie à pleins poumons. Un type est arrivé derrière moi sans que je l’entende et m’a fait fichtrement peur !
Il lève les deux mains en l’air, un petit sourire gêné sur les lèvres.
- Houlà ! Pardon ! Je ne voulais pas te faire aussi peur !
Et tout le monde s’arrête de tourner.
Théo !
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