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Chapitre 3 : Perte de contrôle.
Aujourd’hui, c’est mercredi. Un jour encore plus pourri que tous ceux que j’ai vécu jusqu’à présent. Parce qu’aujourd’hui, je vais devoir affronter le regard d’Alex.
Hier, j’ai réussit à sécher les cours du reste de la journée en prétextant un gros coup de fièvre. Mais aujourd’hui, je n’ai plus d’excuse auprès de ma mère, alors je suis obligé d’aller au lycée… Merde.
Alors que je me sers un bol de lait, ma sœur apparaît à côté de moi.
- C’est moi ou t’es très mal réveillé, aujourd’hui, grand frère ?
Elisabeth – que j’appelle Lizy – est née deux ans après moi. Elle est en dernière année de collège, mais elle ressemble beaucoup à une terminale. Elle a des yeux bleus remplis de savoir. Par contre, elle est à deux doigts de créer une pétition contre les coiffeurs – qu’elle déteste par-dessus tout. Beaucoup de proches nous prennent pour des jumeaux, parce qu’on se ressemble comme deux gouttes d’eau.
Je soupire.
- Je n’ai pas très bien dormi, c’est tout…
- A cause de qui ?
J’émets un léger rictus. Lizy est la seule personne au monde à savoir que je suis gay. Je prends une grande inspiration et la regarde droit dans les yeux. Elle comprend sur-le-champ :
- T’es tombé amoureux ?
Rectification : elle comprend un peu trop loin ! Je tente de dissimuler mes rougissements.
- Je n’irai pas jusque là, Lizy ! Je… le trouve mignon, c’est tout !
Ma petite sœur me regarde avec des yeux un peu trop malicieux à mon goût.
- Mais oui, Dan, je vais croire ça. Ecoute, t’es tout rouge ! Ce qu’il t’arrive, cher grand frère, ça s’appelle un coup de foudre !
Je ne sais pas si c’est le fait qu’elle ait insisté sur les trois derniers mots ou le sens de cette expression, mais mon cœur se met à battre soudainement très vite.
- Et sinon, comment il s’appelle ?
- Alex…
- Sympa comme prénom. Tu me le présenteras ?
Pour toute réponse, je hausse les épaules, apercevant notre mère descendre les escaliers.
- Bonjour, vous deux ! nous salue-t-elle comme chaque matins.
- Salut, ‘man.
- Bonjour mamounette !
Eek ! Le côté fayotte matinale de ma sœur a le don de me sortir de moi-même. Je regarde l’heure. Merde, j’vais être à la bourre ! Je finis mon petit déj’ en vitesse grand V et file me préparer. Pendant que je m’habille, ma mère me hurle du salon :
- Au fait, Dan, tu n’as plus de fièvre ?
- Non, maman ! Ça va beaucoup mieux, ne t’inquiète pas !
Je descends jusqu’à la porte d’entrée, ma veste à moitié mise et mon sac choppé à la volée.
- Tu m’en vois ravie, mon chéri, me dit ma mère, au seuil du salon. Et essaye de ne pas trop dessiner, pendant les cours, d’accord ?
Un sourire gracieux se dessine sur ses lèvres. Depuis la primaire, elle voit à chaque trimestre "bon élève, mais dessine à la place de suivre le cours" sur mon bulletin. Disons que ça la déçoit un peu. Je lui souris en retour :
- J’essaierai, maman.
Et je sors de la maison, direction le lycée.
Arrivé devant le lycée, mon cœur rate un battement. Alex est – entouré, comme toujours – devant le gymnase, le point de rendez-vous pour notre classe qui a cours de sport.
Qu’est-ce qu’il m’arrive, bon sang ?! Je m’énerve moi-même. Depuis plus d’une semaine, dès qu’il s’agit de ce gars, je rougis ou mon cœur d’accélère. C’est chiant ! D’après ma sœur, c’est un coup de foudre, mais moi je pense que c’est surtout des conneries ! Franchement, qui tombe amoureux au premier regard ?
Je chasse ces pensées insensées. Une voix que je ne connais que trop bien m’interpelle :
- Dan !!
Alex, le sportif de ces dames, me fait de grands signes depuis la porte. Quel sourire niais ! Et dire que je le supporte depuis plus d’une semaine ! Alex se rapproche de moi – voyant que je n’allais pas accélérer pour lui ! – et je sens une vague de haine émaner de ses "connaissances". Quel amour !
- Comment ça va bien, man ? me salue, comme à son habitude, Alex.
Je lâche un regard furtif à sa bande avant de répondre nonchalamment :
- Bof.
Je suis obligé de faire appel à toute ma force intérieure pour ne pas exploser de rire en voyant la tronche que tire mon voisin. Je l’ai dépité, avec ma réponse !
- Franchement, Dan, plaide le basketteur, tu veux pas être un peu plus… accueillant ?
Le prof de sport – un petit bout de bonhomme pas du tout taillé pour le sport – ouvre le gymnase et nous fait signe de partir nous changer dans les vestiaires. Je regarde mon ami dans les yeux, un sourire narquois aux lèvres :
- A 8h du mat’ ? Franchement, pas assez réveillé pour ça.
Et je pars en direction des vestiaires.
- Eh, le gothique !
Je me retourne. Ça fait une heure qu’on a commencé le sport et nous avons droit à une pause de 10 minutes, que je passe à hydrater ma gorge dans les toilettes. Deux des gars qui traînaient avec Alex hier, se tenaient debout, face à moi, l’œil mauvais. Quelque chose me dit que je leur plaît pas… C’est celui de gauche, le plus grand – qui a une tête de retardé – qui commence :
- Tu as réussi à duper Alex, t’es balèze, toi.
Il n’a pas qu’une tête de retardé, il l’est ! Je hausse les épaules.
- De quoi tu parles ?
Le second, plus petit – et tout aussi retardé ! – entre en scène. Il me plaque contre le mur avec force et frappe le mur à deux centimètres de ma tête.
- Nous prend pas pour des blaireaux, petit con !
Je dégage sa main d’un coup sec. Petit con ? T’es plus petit que moi ! Je prends les armes :
- Me cherchez pas, les gars.
- Pourquoi ? demande ironiquement le premier. Tu veux nous faire quoi ?
J’inspire profondément en seule réponse. Je pense que ce geste n’a pas beaucoup plu à mes… agresseurs ? Enfin, quoi qu’il en soit, le second doit avoir des neurones en collision. En deux secondes, j’étais au sol, la joue gauche boursouflée, un filet de sang coulant de ma bouche. ‘Tain ! C’est qu’il a de la force !
- Tu disais ? dit-il, un visage de tyran victorieux au visage.
D’un revers de main, je retire le sang qui coule de ma bouche. Je me relève et me tiens droit devant lui. Sa tête m’arrive à l’épaule.
- Je disais que t’aurais pas dû faire ça.
Ma voix est menaçante, pleine de tuerie. Celle de mes adversaires perd son assurance.
- Qu’est-ce que tu raconte, pauvre fou ?! hurle le premier. Tu crois nous faire quoi, avec tes airs de racaille ?!
Une envie de sang parvient jusqu’à mon esprit.
- Des airs ? Non…
Je souris sadiquement et serre le poing.
- Je dirais plutôt des souvenirs !
- Dan ?!
La voix d’Alex me tire de mes pensées sanglantes. Il me fixe, une lueur étrange dans les yeux. Je baisse les yeux vers les deux cadavres qui gisent à mes pieds. Sans m’en rendre compte, j’ai passé à tabac mes deux agresseurs. J’écarquille les yeux. Quand est-ce que j’ai fait ça ?! Alex prend le pouls des deux blessés.
- Ils sont vivants, dit-il d’un ton soulagé.
J’ai du mal à respirer. Alex lève la tête vers moi et je vois la seule chose au monde que je ne voulais pas voir sur lui. De la peur.
L’air frais me manque. Je suis assis dans le bureau du proviseur depuis maintenant 3 heures. Au fil des minutes, les choses sont devenues plus claires dans mon esprit. J’avais perdu le contrôle de mon corps et ce dernier a agit tout seul. Et j’ai tabassé deux lycéens jusqu’au sang.
Alex est lui aussi dans le bureau. Le proviseur a tenu à ce qu’il vienne témoigner. Ils me regardent tous les deux d’un œil mauvais.
- Très bien, Dan, commence le proviseur. Alex a terminé de me raconter ce qu’il a vu. A ton tour, maintenant. Quelle est ta version des faits ?
Je soupire. Je me sens honteux d’avoir fait une chose pareille.
- Eh bien… Je ne sais pas, monsieur.
- Tu ne sais pas ? Comment ça ?
Je ravale ma salive. Je sens le poids du regard d’Alex sur moi. Je revois son visage teinté de peur lorsqu’il levait ses yeux vers moi, qui avait les poings couverts d’un autre sang que le mien.
- Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, monsieur. Je me souviens seulement de ces deux garçons qui sont venus me voir. Ils disaient vouloir savoir quelque chose sur moi. Mais comme je ne savais pas de quoi ils parlaient, ça a dégénéré.
Je ferme les yeux, ma gorge se serre.
- Après, c’est le noir.
Je n’ose même pas lever les yeux vers le dirigeant de l’interrogatoire.
- Très bien.
Le proviseur se lève et se place devant moi. Je sais ce qu’il va dire. C’est un discours que je n’ai entendu que trop de fois.
- Dan, tu es exclu du lycée pour une semaine.
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